Films en DVD

 
Série « Au nom du progrès » (Réalisation : Gordian Troeller/Marie-Claude Deffarge, sur scénario de François Partant)
Durée 45 mn
 
  • Voir également la page Wikipedia sur Gordian Troeller et Marie-Claude Deffarge
1. L'impossible indépendance (Algérie) - 1975
 
 
 
 
L’Algérie se veut à la pointe des pays du Tiers-Monde dans son combat contre la dépendance économique qui entraîne le sous-développement.
Cette dépendance est née de l’histoire du pays et de ses conséquences sur l’agriculture algérienne : mais les mécanismes d’appauvrissement existent toujours ; l’agriculture algérienne demeure celle d’un pays sous-développé.
Il est vrai que l’Algérie – comme les autres pays du Tiers-Monde – compte sur l’industrie pour entrer dans la voie du développement.
Pour sa part, l’Algérie a choisi de construire son industrie à partir de ses propres ressources. Treize ans après l’Indépendance, le bilan est impressionnant : raffineries, usines de méthane, cimenteries, complexes de construction mécanique parmi les plus modernes au monde dressent leur architecture futuriste tout au long de la plaine côtière. Et si l’on doit juger de la prospérité des villes aux vitrines des magasins, au luxe des hôtels et aux embarras de la circulation, l’Algérie n’aura bientôt plus rien à envier à l‘Europe.
Mais ses ressources – gaz et pétrole – ne sont aujourd’hui utilisées industriellement que par les pays les plus avancés économiquement et techniquement. L’Algérie est donc obligée de construire une industrie analogue à la leur, ce qui la rend gravement dépendante des pays qui la fournissent et lui coûte fort cher.
De plus, son industrie est disproportionnée à son marché intérieur très étroit : une paysannerie sans pouvoir d’achat et un chômage prenant des proportions d’autant plus dramatiques que les usines, extrêmement automatisées, ne créent que fort peu d’emplois. Faute de marché intérieur, l’industrie algérienne va devoir exporter. Dépendante de l’Europe et des États-Unis pour ses équipements, l’Algérie dépendra aussi des marchés extérieurs pour écouler sa production.
L’Algérie se trouve donc aujourd’hui plus dépendante que jamais, parce qu’elle a choisi un type de développement identique à celui des pays qui ont organisé l’économie mondiale à leur profit. De plus, en important un certain type d’économie, elle importe un certain type de société.
L’Algérie apparaît ainsi moins comme un modèle que comme un exemple : un pays du Tiers-Monde ne peut conquérir son indépendance économique et échapper au sous-développement, en important le progrès des pays mêmes qui ont crée le sous-développement dans le monde.
Tout progrès économique n’est pas bon à prendre, surtout celui qui n’a ni base nationale, ni effet sur l’ensemble de la nation.
En Algérie, cette « impossible indépendance » ne pourra être atteinte qu’au prix d’une profonde révision des objectifs et des modalités du développement, que semblent annoncer les dernières déclarations du Président Boumediene.
 
2. Au diable l'école (Tanzanie) - 1975
L’école est censée apporter le progrès dans le Tiers-Monde. Elle serait indispensable au développement économique et social. C’est en elle que les pays sous-développés cherchent la solution à tous leurs maux, pour elle qu’ils font les sacrifices les plus considérables. Et pourtant, le progrès ne vient pas.
L’école est un élément introduit par le colonisateur et reflète sa société. Le jeune Africain se trouve donc confronté à deux mondes différents, souvent contradictoires, auxquels il ne peut s’identifier et dans lesquels il ne peut s’épanouir. École instaurant l’inégalité sociale, économique et culturelle, ne profitant qu’à une frange de la société, maintenant le peuple sous la coupe d’un pouvoir dirigiste, détruisant les valeurs traditionnelles de propriété et de travail collectif, l’école traditionnelle doit disparaître. Telle est la conclusion du président tanzanien Julius Nyerere. Dès 1967, avec son parti le TANU il entreprend une remise en question de l’école héritée du colonialisme et tente de construire un enseignement nouveau.
À travers trois exemples, le film cherche à voir ce qu’a apporté cette nouvelle école et si les résultats escomptés sont au rendez-vous.
L’école de SOGA : cette école inchangée extérieurement est pourtant une école modèle. Les cours sont en langue africaine et centrés sur des problèmes quotidiens et sur la culture africaine. On y forme l’élève au travail paysan et à la gestion des produits qu’il vend. Le travail est collectif et le manuel n’est pas séparé de l’intellectuel. Des chants éducatifs servent à enseigner à mieux vivre. Le cycle d’étude est complet et personne n’en est rejeté. L’école vit en quasi-autarcie.
L’école de BOKO : son but est de devenir totalement intégrée à l’économie du village : c’est ce qu’on appelle un village « ujamaa ». Lors de la colonisation, les villageois s’étaient dispersés, aujourd’hui ils se regroupent à nouveau autour de cette école et retrouvent les traditions de travail collectif auquel participent aussi bien les enfants que les adultes. Il ne s’agit plus de dégager une élite, mais de retrouver cette vie collective africaine.
Pourtant, on retrouve des traces de l’ancien système : seuls les enfants des classes les plus aisés peuvent continuer des études et reformer une élite. Lorsqu’on voit ces beaux campus isolés, on se demande comment les étudiants pourront et voudront-ils réintégrer leur milieu, la société africaine et socialiste.
La société tanzanienne est une société de classes bureaucratisée et technocrate, et les seuls à s’en sortir et à être heureux sont les villages « ujamaa » vivant à l’africaine. Mais ils refusent de s’intégrer à cette société qui n’est pas la leur.
Et l’école ne fait que refléter cette situation. Mais l’espoir est toujours permis de voir la société tanzanienne se remettre en cause et créer alors un enseignement réellement différent.

3. L'école du diable (Togo) - 1975
L’école est considérée, de façon presque unanime, comme le berceau du progrès, la condition du développement économique et social. C’est en elle que les pays sous-développés voient le salut, pour elle qu’ils font un effort considérable, allant jusqu’à sacrifier 40% du budget de l’État pour donner une éducation scolaire au maximum d’enfants.
Et pourtant le bilan du « progrès par la scolarisation » est négatif. L’expérience prouve que l’éducation scolaire n’est pas le moyen de sortir de la misère (sauf en quelques très rares exceptions) mais au contraire une entrave pour le développement de l’individu et peut même, globalement, être considérée comme un agent du sous-développement.
Si les pays du Tiers-Monde semblent incapables de trouver, en vue de se développer, une autre voie que celle que leur proposent les puissances dominantes qui les ont condamnés au sous-développement, cela tient à ce que leurs élites intellectuelles ont été formées à l’école de ces dernières. L’école est à la base de toutes les entreprises qui perpétuent les liens de domination. Elle est le laboratoire où s’élabore la conscience aliénée des peuples sous-développés.
Le film, tourné au Togo, souligne d’abord que l’école ne peut être « démocratique » puisqu’elle ne peut former la totalité de la population. C’est une institution beaucoup trop chère  pour des États pauvres en ressources publiques : 50% des enfants ne seront pas scolarisés. Mais cette école si chère, tout le monde la paie. Sa gratuité profite donc essentiellement à ceux qui peuvent toujours envoyer leurs enfants à l’école, c’est-à-dire aux riches.
D’une façon générale, le système d’enseignement vise à former des individus et non le groupe social. Il déstructure donc les sociétés qui ne sont pas fondées sur la compétition individuelle. Il favorise la formation d’« élites » coupées de leur civilisation d’origine et du peuple qui vit cette civilisation.
Beaucoup d’États se sont employés, comme le Togo, à réformer le système d’enseignement, pour l’adapter à ces réalités. Mais cette adaptation aboutit à des résultats fort décevants : en préparant les élites de la nation en fonction des besoins qui paraissent évidents, d’un pays sous-développé, on forme des cadres qui ne peuvent, au mieux, que gérer le sous-développement.
Ainsi se renforcent, grâce à l’école, toutes les structures sociales caractéristiques d’un pays sous-développé, tous les mécanismes sclérosants ou appauvrissants qu’entretiennent ces structures. C’est alors le jeu de ces mécanismes qui va faire éclater l’absurdité de l’école : dans un pays qui s’appauvrit, cette dernière forme de plus en plus d’intellectuels sans emploi.
Au Togo, comme dans bien d’autres pays du Tiers-Monde, beaucoup d’intellectuels sont conscients de la gravité du problème. Mais comment peuvent-ils résoudre celui-ci, sans se mettre eux-mêmes en cause, sans mettre en cause l’école à laquelle ils sont redevables de leur position au sein de la société ?
De même qu’un Togo peut être bloqué dans son développement par sa formation sociale, il peut l’être par son école, parce que celle-ci favorise une telle formation sociale, inadaptée au développement d’un tel pays.
 
4. La médecine des riches chez les pauvres (Afrique) - 1975
 
 
 
 
Dans beaucoup de pays africains, le gouvernement opta pour la médecine occidentale, l’exercice de la médecine traditionnelle fut défendu. En Occident, quand on hospitalise un malade, on l’isole de son environnement social. Cette séparation traumatise le malade. La médecine traditionnelle africaine a compris ce phénomène. Aussi, la population refuse-t-elle la médecine occidentale. Dans un hôpital de village, le guérisseur voit plus loin. Il considère la guérison comme une tâche incombant à la communauté entière. Le malade doit rétablir l’harmonie avec soi-même et avec son milieu. Le rituel de la guérison permet à chacun d’y participer.
L’indépendance du Sénégal entraîna la formation d’une forme de pouvoir étrangère à la société traditionnelle africaine. L’état céda le monopole à la médecine occidentale. Les médicaments importés coûtent très cher au pays et aux malades. La publicité incite la population à acheter ces médicaments. L’équipement technique et les honoraires des spécialistes signifient une lourde charge pour le budget de l’hygiène publique. Dans les villages, les gens payent le guérisseur selon leurs moyens. Souvent les honoraires sont symboliques. Le médecin occidental pose son diagnostic grâce à des appareils coûteux. Le guérisseur va à la recherche de la maladie en lui-même, avec l’aide de la danse. Il trouve dans la forêt les plantes médicinales nécessaires. Les connaissances médicales occidentales ne sont pas méprisées, mais on ne veut pas dépendre d’elles exclusivement.
Albert Schweitzer fut un des rares médecins à essayer d’adapter la médecine occidentale aux circonstances africaines. Il avait compris qu’on ne peut pas soigner un Africain convenablement en dehors de son milieu. Il a conçu son hôpital comme un village où le malade peut habiter avec sa famille. Néanmoins, cet hôpital fermera ses portes. Une synthèse entre la médecine indigène et la médecine occidentale n’est pas considérée comme souhaitable parce qu’il s’agit de deux mondes différents.
Avant l’indépendance, on pouvait suivre au Sénégal un cours « médecin africain » pendant trois ans. Ces médecins guérissaient les maladies les plus courantes de la population indigène et exécutaient des opérations simples. Après l’indépendance, on trouva que ceci ne suffisait pas au prestige de l’état
tout neuf. On allongea la durée des études. Résultat : une pénurie de médecins. Ceux-ci s’installent dans les villes, où habitent les Européens et la nouvelle classe de dirigeants, en un mot : les riches. C’est également dans les villes qu’on construit les hôpitaux.
L’expérience à la campagne a démontré que la chirurgie est plutôt affaire de technique que de science. La pratique est plus importante que la théorie. Ceci vaut pour toute la médecine. Alors, pourquoi ne pas changer la formation ? Il est clair que le corps médical européen ne veut pas se remettre en question et que les pays africains ne veulent pas d’un système médical « bon marché ».
Mais l’entretien des hôpitaux tropicaux devient de plus en plus cher. L’administration devient de plus en plus insondable et la corruption de plus en plus généralisée. Aux étudiants en pharmacie on n’enseigne pas les vertus des plantes médicinales indigènes, mais celles des préparations occidentales coûteuses.
Les services d’hygiène officiels constatent un nombre croissant de consultations. Certains y voient un progrès, d’autres au contraire la preuve du double aspect d’une maladie : une perturbation de l’harmonie avec soi-même et avec son milieu social. En effet, l’Africain est de moins en moins adapté à la société où on veut le faire vivre.
 
 
5. Le pillage (Gabon) -1976
 
Jadis l'Afrique fournissait des esclaves pour l'Amérique du Nord et l'Europe, aujourd'hui elle exporte ses matières premières jusqu'à épuisement total. Le Gabon par exemple, ex-colonie française, indépendant depuis 1961, est très riche en ressources naturelles. Il possède d'immenses forêts dans la zone équatoriale.
Les Gabonais cèdent souvent les droits d'exploitation de leurs forêts aux Européens contre 5% des bénéfices. Dans les régions accessibles grâce à un fleuve, les forêts ont presque disparu. L'Europe envoie du personnel technique et qualifié. Pour le même travail, le salaire des employés blancs est 15 fois plus élevé que celui de leurs collègues noirs. Ce salaire minime des ouvriers indigènes non-qualifiés est la raison pour laquelle les entreprises étrangères construisent des usines en Afrique. Mais les entreprises européennes fournissent les machines et les pièces de rechange. Le Gabon sert seulement à satisfaire les besoins en bois, minéraux et pétrole de l'Occident. L'économie du Tiers Monde n'existe qu'en fonction des pays occidentaux. Le bois rapporte au Gabon environ 20% de la valeur qu'il a au port de destination. En Europe, ce bois crée de l'emploi et surtout, il rapporte. Le Gabon est le troisième producteur mondial de manganèse. Il ne possède que 10% des parts, des firmes américaines et françaises possèdent le reste. La totalité de l'équipement provient de l'Amérique et de l'Europe, la mine est responsable de la construction d'une des plus grandes villes du Gabon. La mine sera épuisée d’ici 50 ans.
Le pétrole découvert au Gabon est également exploité par des firmes étrangères. Elles construisent les usines, les routes et les ports. Les routes et chemins de fer ne servent qu'à relier les différents centres étrangers, les mines de manganèse et d'uranium, les puits de pétrole etc.
Les indigènes ne prennent pas part au système économique. Ils ne vendent que quelques produits. Le minimum vital pour tous est assuré par la solidarité. En vendant leurs produits au marché sans intermédiaire ils empochent les bénéfices. Ils produisent peu pour la vente. Ceci explique les difficultés d'approvisionnement dans les villes. Seuls les Européens et les Gabonais privilégiés peuvent payer les prix augmentant sans cesse. Sans la protection de la police, les bateaux arrivant au port chargés de victuailles seraient pillés par les pauvres. Les prix élevés n'engagent pas les paysans à produire plus. Les prix de ce qu'ils vendent augmentent plus lentement que les prix de ce qu'ils achètent. De temps en temps le gouvernement envoie ses troupes à la campagne pour confisquer des produits alimentaires. La société africaine traditionnelle n'existe plus que dans quelques villages isolés. Cette isolation les condamne à la stagnation.
Une minorité de privilégiés gabonais profite de l'exploitation des richesses naturelles : les politiciens, les militaires et les bureaucrates. Les dirigeants actuels sont partisans de l'idée de progrès importée par les Européens. Le système économique et politique édifié grâce aux richesses naturelles disparaîtra en même temps que ces rlchesses. Peut-on appeler le président Bongo du Gabon un représentant du peuple ? Ne représente-t-il pas plutôt ceux qui exploitent le pays ? Les entreprises multinationales représentent un système d'exploitation économique répandu dans le monde entier. Les grandes réserves de minéraux et le régime politique stable (stabilité entretenue entre autres par les paras français) attirent les multinationales au Gabon. Combien de temps encore les peuples et les pays du Tiers Monde feront-ils partie de ce système économique qui les mènera à leur perte ?
 
 
6. Pour le meilleur et pour le pire (Fos-Sur-Mer) -1976
 
 
 
 
Prenant pour cadre Marseille et son port, ce film attire l’attention sur les conséquences du pillage du Tiers-Monde dans les pays industrialisés.
Les activités qui se développent grâce au pillage des produits importés d’outre-mer – minerais ou bananes – favorisent les seules économies des pays industrialisés. Tirant profit des entreprises coloniales de la France, Marseille, ses compagnies de navigation, ses chantiers navals, ses sociétés commerciales ont bénéficié de ce pillage et continuent d’en vivre. Le visage même de la ville, son urbanisme, ont été dessinés par cette vocation.
Aujourd’hui, Marseille et sa région, pour continuer leur croissance, doivent se développer en fonction d’une accélération de ce pillage. À 60 Kms de Marseille, Fos-sur-Mer est devenu un vaste ensemble industriel, principalement sidérurgique. La sidérurgie française, jusqu’ici centrée sur la Lorraine, où se trouvent le fer et le charbon, a émigré – comme le fait d’ailleurs l’ensemble de la sidérurgie européenne – vers les côtes. Elle se rapproche ainsi des sources d’approvisionnement : Mauritanie, Gabon et autres pays susceptibles de devenir fournisseurs.
De plus en plus dangereusement, l’Europe dépend de l’exploitation des économies dominées. Cette évolution est le moyen et le résultat de la croissance économique. Évolution qui a des résultats négatifs même en Europe : les bananes arrivent à Marseille, mais les fruits de la vallée du Rhône sont détruits. Le cadre de vie de la population est saccagé par l’industrie nouvelle. Les ouvriers des huileries deviennent chômeurs, car le patronat déplace les usines vers les pays producteurs où la main-d'oeuvre est moins chère. Et les industries installées dans les pays du Tiers-Monde ne signifient cependant pas le début du développement pour ces pays.
La conjoncture de l’économie internationale a changé : dans les pays industrialisés, le travail ne rapporte guère plus que ce qu’il coûte à l’employeur. La productivité de la machine n’est plus en rapport avec son prix. Le « progrès » technique accroît le chômage et n’ouvre plus de nouveaux marchés. C’est la crise. Le drame : les moyens nécessaires à une nouvelle croissance, à un nouveau « progrès » , ne peuvent plus être attendus du travail dans les pays industrialisés. C’est sur le Tiers-Monde qu’ils devront être prélevés. L’accélération de l’échange inégal est désormais une nécessité, au moment même il se heurte à sa limite : l’appauvrissement des pays sous-développés.
Et si les peuples du Tiers-Monde comprenaient que dans cet échange ils n’ont rien à gagner mais tout  à perdre et refusaient de livrer ce qu’ils possèdent ? À cette question, des travailleurs de la sidérurgie répondent : ce serait le départ de nouvelles guerres coloniales. D’ailleurs, ne sont-elles pas déjà engagées ?
 
 
7. La semence du progrès (Etats-Unis) -1983
 
Dans le monde entier, l’image que les Etats-Unis donnent d’eux-mêmes reste le rêve à atteindre. Tout y est plus libre, plus grand, plus fort… Le progrès lui-même semble être « personnalisé » par ce pays.
Mais que cache ce « progrès » ?
Le film « LA SEMENCE DU PROGRÈS » démonte les mécanismes de ce progrès en ce qui concerne l’agriculture et l’élevage.
Aux Etats-Unis, l’agriculture et l’élevage sont une véritable entreprise dont les règles sont rendement et profit. Ainsi voit-on d’immenses troupeaux parqués et nourris selon les fluctuations de la bourse des céréales et des monocultures devenues surproductrices. Ce développement « incontrôlé » porte atteinte tant à la qualité du produit qu’à la vie même du paysan et de l’éleveur.
L’exemple de l’élevage : rationalisé, les espèces sont hyper-selectionnées pour leur production de lait ou de viande : seules quelques espèces subsistent, d’où appauvrissement génétique et fragilité. Les bêtes ne sont nourries en pâture que peu de temps et sont ensuite enfermées dans des enclos et engraissées avec diverses céréales. Parcage, transport, stockage de céréales : autant de milliards engloutis alors que le bétail pourrait se nourrir en pâture comme autrefois. Mais cela ne répondrait pas aux normes de rentabilité décidées non par le paysan, mais par le marché mondial qui suit la logique du capital. Une logique qui s’emballe de plus en plus et dont on perd le contrôle.
Un autre exemple : l’agriculture et le maraîchage. Ici aussi, l’agriculteur est perdant. Pour maintenir son pouvoir d’achat, il doit cultiver plus et donc agrandir ses terres et mieux s’équiper. Mais comme le prix des machines augmente toujours plus, il doit produire toujours plus. Or il y a déjà surproduction et c’est pourquoi l’État doit intervenir pour maintenir les prix. Pour survivre, il faut se spécialiser et donc faire de la monoculture à grande échelle. Ce qui a pour conséquence l’appauvrissement de la qualité du sol.
Dans un tel développement, ceux qui gagnent sont ceux qui transforment le produit et ceux  qui vendent les machines.
L’agriculture, nourriture vivante au service de l’homme, devient une activité qui détruit autant qu’elle produit. Il ne s’agit plus de répondre aux besoins des gens, mais d’imposer des nouveautés et une surabondance factice. L’éleveur et le cultivateur perdent toute relation privilégiée avec la terre, ses produits et les animaux. L’agriculture est devenue une entreprise chère à l’investissement et pousse à la surproduction et les prix s’effondrent. La conclusion est l’endettement et la faillite pour le fermier. La contradiction entre progrès technique et progrès social, évidente dans le Tiers-Monde, apparaît ici. L’exemple de l’agriculture américaine prouve qu’un développement basé sur le capital et la concurrence a ses limites et n’aboutit qu’à une impasse. En fait, la question fondamentale est : produire pour faire de l’argent ou pour vivre ?

 
8. Sucre amer (Brésil) - 1983                       
 

La culture de la canne à sucre emploie au Brésil des milliers de " Boias frias " pendant toute la période de récolte de la canne, la safra. Ils travaillent dans des conditions déplorables et , pour survivre, font travailler femmes et enfants.

L'utilisation différente de la canne ces dernières années (éthanol) n'a rien changé pour ceux qui travaillent dans ces immenses plantations... L'engagement de ces pionniers de la critique du développement via le cinéma est aussi anthropologique : "Plus nous observons les sociétés 'autres', plus nous avons de respect pour elles"

 
Les tonneaux débordent (France) -1976 
 
 
(non disponible)
 
 
Retour haut de page