Dans la première partie, nous avons exposé les principales idées fortes de l'Ivan Illich des années 1970 concernant l'industrialisme : la contreproductivité des outils et des institutions, les professions mutilantes, les monopoles radicaux, ainsi que ses premières réflexions pour une reconstruction conviviale. Mais dès lors les choses se sont beaucoup compliquées à l'« ère des systèmes » et la pensée d'Illich évolue en accord avec les temps
II - L’ère des systèmes
Dans les années 1980, Illich repère le passage d'un nouveau seuil, un « partage des eaux », une « fracture historique » : la fin de l'« âge de l'instrumentalité » initié avec la naissance de la « distalité »[1] au XII siècle, et la naissance de « l'ère des systèmes »qui « intègrent l'usager dans les processus sans qu'il y ait aucune distinction entre les uns et les autres ». [2]
La logique industrielle fondée sur les principes de croissance, concurrence, productivité, rentabilité, efficacité, s'étend à tous les domaines de la vie humaine[3], avec le monopole du mode hétéronome de production et la violence contre toute autonomie, contre tout mode vernaculaire[4].
Une certaine définition de notions comme économie, besoin, santé, progrès, paix, développement auront désormais un sens unique, expression d'une pensée unique.
La gouvernance apparaît comme une gestion de profils suivant des protocoles. Les experts mutilants deviennent des médiateurs dans des processus de prise de décisions (decision making) fondés sur des systèmes d'information et sur des processus d’analyse de systèmes, auxquels, en fonction de leur propre nature, aucune éthique n'est appliquable.
Le processus commença avec les pertes des communaux et apparaît désormais achevé avec la transformation des individus en éléments abstraits d'une stase mathématique.[5]
Dans ce contexte, la notion de contreproductivité n’est pas dépassée, mais elle perd en partie de son poids pour Illich : nous pourrions même supposer que les inefficiences qui perdurent sont désormais productives au système! C' est le cas des transports, par exemple, lorsque [u]n véhicule surpuissant […] engendre lui-même la distance qui aliène[6] et qu'il a été démontré que les grandes nuisances -les accidents, les grands sinistres, la guerre - augmentent le PNB[7] des nations.
Or, à mon avis, le concept de contreproductivité des outils et des institutions reste pleinement valable non pas par rapport au système à l' « ère des systèmes », mais par rapport aux certitudes des seuls qui sont en mesure de produire un vrai changement (en cela Illich et François Partant se rejoignent) : les gens ordinaires.
Les logiques de l'industrialisme à l'ère des systèmes
Les principales logiques qui se détachent de l'analyse du mode de « production intégrée » à l`ère des systèmes selon Illich sont :
1- La logique léviathanesque[8], qui suppose que l'état de nature de l'homme c'est la guerre ; qui favorise les agglomérations monstrueuses, la pax œconomica fondée sur les échanges, le monopole radical des institutions systémiques, de l'administration hypertrophiée qui les gère et qui les régule et la violence -qu'elle soit militaire ou économique- qui les impose et les maintient.
2- Le productivisme et la logique spéculative qui entraîne le conflit entre valeurs vernaculaires et valeurs économiques, entre valeurs d'usage et valeurs d'échange, le triomphe de la rareté comme une certitude moderne et donc la soumission à la science économique. Logique concurrentielle, logique de la croissance et de l'accumulation, qui aggrave la misère en modernisant la pauvreté[9].
L'industrie configure l'espace social aussi bien dans l'habitat que dans le travail, les transports, les loisirs, les relations sociales. Son expression la plus poussée est la destruction des communaux (commons) et l'institution d' un nouvel ordre écologique : la considération de l'environnement comme une ressource productive, et par conséquent rare ; « la forme plus fondamentale de dégradation qu'il puisse subir »[10]
3- La dynamique délégation-expropriation-impuissance programmée[[11] qui se déclenche à partir du dépassement de certains seuils[12] et renforcé par le binôme sécurité-vulnérabilité, devient une condition structurelle à l’ère des systèmes. Et de là à la perte de l'amitié, de l’autonomie et de la matrise de son milieu et à la boulimie normative qui nous hante[13].
Plus on dresse un citoyen à la consommation des biens et des services si parfaitement conditionnés, moins il semble capable de dominer le milieu où il vit.[14]
Voués à l'assujettissement systémique[15], j'oserais formuler que nous sommes devenus des Homo systematicus pour des Systèmes nécessiteux !
4- La logique du déplacement envers des « concrétudes mal placées »[16]
Déplacement dans le sujet, de la personne vers le profil, les séries statistiques et les stases mathématiques; déplacement dans l'objet vers l'inessentiel, l'accessoire, le superflu, l’inutile, l’ imposture, le leurre[17] ; déplacement dans les moyens, avec le primat de la technologie et de la science, notamment de la dite science économique ; déplacement dans le temps, vers l'utopie d’un futur équitable qui justifie tous les efforts et toutes les douleurs ; déplacement vers les espaces de la virtualité et l'homogénéisation désincatrices ; déplacement dans le domaine du politique vers les mots plastiques[18] et le show[19] qui cachent l'expropriation de la souveraineté du peuple et le monopole de l'hétéronomie ; déplacement vers une éthique des valeurs qui détruit la notion de bien[20], le concept de valeur appartenant de plein droit à la sphère de l'Homo oeconomicus , de l' Homo miserabilis, de celui qui a fait le passage du lot commun aux ressources dont on fait des valeurs, le protagoniste de la rareté[21].
Déplacements qui sont à l’origine de la mythologie du progrès et de l'utopie du développement. Illich fait la critique de la notion de besoin à l'origine du développement, et analyse sa -fausse- relation (déplacée) avec les droits de l'homme, la justice, l'équité, voire la paix.
Les programmes de développement conduisent le monde entier à connaître la violence, qu'elle prenne la forme de la répression ou de la rébellion.[22]
Déplacement radical enfin, celui de l'abandon de la matrice humaine pour la pleine assomption d'une matrice économique qui nous amène, avec François de Ravignan[23] à “... nous interroger sur la fin -en tant que finalité des processus économiques mis en oeuvre [...] à savoir essentiellement la reproduction du capital financier, et la négation de ce que devrait être les finalités réelles de la société”.
5- Le déclin du sens de la proportionnalité, la juste mesure, le bon sens, le tonos des Grecs : la démesure -hybris-, et finalement Némésis[24]. Le cosmos disparaît et la réalité explose en sphères autonomes. Dans ce contexte les limites de la réalité cessent de constituer une protection mais deviennent au contraire une provocation et un défi : l'éthique du challenge, un ethos pour lequel des antécédents sont en fait difficiles à retrouver dans les sociétés pré-modernes[25].
La notion de proportionnalité, de ce qui est approprié ou qui convient à un certain endroit, de la forme assortie à la taille, de l'ethos et le sens commun, conduit directement à réfléchir au beau et au bien, à une quête de vérité qui fait que les décisions reposent sur des conditions morales , non pas économiques.[26]
6 -Assujettissement systémique, désincarnation et “perte des sens”.
L'existence dans notre société qui se veut système, met hors jeu les sens par les engins fabriqués pour leur extension, nous empêche de toucher ou d'incorporer le réel et, en plus nous intègre dans ce système.[...]
C'est cette radicale subversion de la sensation qui humilie[27] et puis remplace la perception.[28]
Le postmodernisme est incroyablement désincarnateur.[29]
La déclaration de la fin des récits par les théoriciens de la postmodernité comme la logique binaire de l'ordinateur soutiennent des déterminismes technologiques, génétiques, économiques et par conséquent la logique de l’inéluctabilité des processus historiques, donc la “fin de l'Histoire”.
L’“espace homogène des biens de consommation”[30] et la virtualité de l'écran remplacent les “lieux” vernaculaires de l'autonomie, la conspiratio[31] et la pax populi[32].
Des notions abstraites sont transformées en « images trompeuses de l'œil »[33]. Dans notre époque scopique le show remplace l'image.
L'hypertexte et la réalité virtuelle attirent des spectateurs vers des « shows »[...]
Dans la quatrième époque scopique, la nôtre, regarder (to view), c'est prendre part au « show ».[34]
La logique de la fragmentation des espaces et de temps, les effets désincarnateurs de la omni-médiation technologique, de la vitesse, de certaines substances, de certaines musiques[35], le culte du nouveau, de l'immédiateté, entravent la continuité du logos et la capacité critique et se traduisent en aliénation, en rupture de toute continuité historique vécue, en perte des savoirs vernaculaires[36], en désincarnation du corps vécu.
Réduction : reconduction
La critique radicale et multidimensionnelle des systèmes, du développement, du progrès, de l'état prévoyance, des besoins culturellement produits entamée par Illich nourrit avec une richesse inouïe la pensée sur une autre manière de vivre ensemble : l'après-développement nécessaire.
Ainsi, tandis que notre société contemporaine est emportée dans un mouvement où toutes les institutions tendent à devenir une seule « bureaucratie » postindustrielle il nous faudrait nous orienter vers un avenir que j'appellerais volontiers convivial, dans lequel l'intensité de l'action l'emporterait sur la production.[37]
Un avenir convivial signifie pour Illich énoncer de manière politiquement efficace le recouvrement de la variété vernaculaire face aux prémisses homogénéisantes de la rareté systémique.Selon Illich, la paix, comme la démocratie et le bien-être, ne peuvent se récupérer qu'au travers d'une renonciation au pouvoir, une reductio.[38]
Jean Robert[39] explique comment d’Aristote à Thomas d'Aquin, l’analogie entre des domaines dispareils était l'essence même de toutes les choses[40] permettant de s'élever graduellement des choses terrestres aux hiérarchies célestes, et dans un mouvement inverse (anagogie, double conduction ou reconduction : reductio) qui est celui de la lumière, redescendre du ciel à la terre.
Lorsque Illich affirme qu' « une réduction de l'économie est non une simple nécessité négative mais une condition positive d'une meilleure existence »[41] ; quand il parle de la nécessité de la « réduction du mode hétéronome en faveur du mode autonome »[42], d’une réduction substantielle de l'output global de l'entreprise médicale [qui seule]peut permettre aux hommes de retrouver leur autonomie et par là leur santé[43] , d'une réduction de la pression sur l'environnement, il ne parle pas seulement à mon avis d'une réduction dans le sens quantitatif que nous donnons à ce terme à l'époque moderne (nécessaire, certainement, mais pas suffisante) mais d'une reconduction anagogique dans le sens que lui donne Jean Robert.
Résumons les conditions d’une telle réduction sous un regard illichéen, un regard qui implique :
1 - Un cadre institutionnel d'une nature toute différente[44] (car Illich, au contraire que quelques uns de ses amis, n'est pas contre les institutions) pour récupérer ce « mode vernaculaire de comportement et d'action qui s’ étend à tous les aspects de la vie »[45].
2 -Une structure conviviale des outils et des institutions qui conjugue la “[s]urvie dans l' équité comme valeur fondamentale[46] et l’autonomie créatrice de l'homme[47] capable de définir ses buts de manière autonome et créatrice, de maximiser sa puissance, de façonner son monde et de laisser des traces.
3.- Un «environnement nouveau dans lequel grandir pour connaître une société sans classes »[48], condition indispensable pour doter le concept de participation de son vrai sens et son plein contenu, démantelant les codes et les dispositifs qui l’ entravent,
pour parvenir à une conscience nouvelle de la propriété définie comme un bien véritablement public [49]
Cette révolution devrait à mon avis tourner autour du recouvrement des communaux.[50]
Recouvrer et faire grandir les communaux dans leur sens étendu, y compris ceux des savoirs et du rêve, du silence nécessaire à la parole et de la parole même, les communaux « entendus comme l’inverse d’une ressource économique » et définis librement par chaque communauté en fonction de sa propre éthique.
4- De « nouveaux rapports entre l'homme et ce qui l'entoure
[...] qui soient source d'éducation[51] [...] qui assurent l'accès aux ressources, l'échange des connaissances et l'appariement des égaux[52]
car
[c]'est la liberté universelle de parole, de réunion, d'information, qui a vertu éducative.[53]
5 - Sortir de la recherche institutionnalisée par des contre-projets et une contre-recherche ouverte, démocratique, non scientifique, éloignée de la pensée instrumentale et définie par chaque communauté « de bas en haut »[54].
6 - Sortir de l'économicisme : recouvrer une éthique.
Loin des valeurs économiques, retrouver le sensus communis, le bon et le beau.
[L]e bon sens celui qui permet à chaque communauté, conçue comme un ethos, […] engager la discussion sur ce qui devrait être permis et ce qui devrait être exclu.[55]
7 -Sortir de hybris : recouvrer la proportionnalité.
Nous sommes donc confrontés à une tâche délicate: retrouver quelque chose comme une oreille perdue, une sensibilité abandonnée.[56]
Une sensibilité qui fait que « les décisions reposent sur des conditions morales , non pas économiques »[57].
À l'opposé du développement qui consiste à faire servir aux uns les recettes qui conviennent aux autres- et à la mondialisation homogénéisante, la proportionnalité nous invite à reconstruire un ethos sur les bases du sens commun et de l'autonomie, ce qui nous éloigne de toute pensée unique.
8 - Sortir du mythe prométhéen : la renaissance de l'homme épiméthéen[58].
L’ethos épiméthéen se reconnaît dans l'équité et sa façon d'agir passe avant par le don que par la puissance. Cette autre face de l'intelligence qu'aujourd'hui nous avons du mal à percevoir, pratiquer, formuler, c'est celle de [pré]caution, (du latin cavere, prendre soin). L'homme épiméthéen dirige son attention aux arts du soin[59].
Il nous faudrait un nom pour ceux qui aiment la terre sur laquelle nous pouvons nous rencontrer […] et pour ceux qui aident leur frère Prométhée à allumer le feu et à forger le fer mais qui le font pour développer leur aptitude à soigner, à aider, à s'occuper d'autrui.[60]
9 - Sortir de la dynamique délégation / expropriation / impuissance programmée : récupération du politique et décolonisation de l'imaginaire.
Sortant d'abord d'un cadre mental qui nous empêche de voir le besoin et la faisabilité d'une régénération des liens sociaux :
L'imagination n'est pas la faculté de se former des images de la réalité mais plutôt de se former des images de l'invisible. C'est la faculté qui chante la réalité[61]
Or, l'exercice de cette faculté implique une reprise en mains du politique[62].
Un programme de rechange nous devient indispensable; […] On pourrait le définir comme la révolution institutionnelle ou culturelle parce qu'elle viserait à la transformation de la réalité, à la fois dans le domaine public et dans celui de la personne humaine.[63]
10 -Sortir du développement : recouvrer la pax populi[64]
… ce n'était qu'en dé-liant la pax du développement que l'on pourrait révéler la gloire jusqu'ici insoupçonnée qui se cache dans cette pax.[65]
Par opposition à la guerre que représente le développement, la paix vernaculaire, la paix des peuples, peut être entendue comme une atmosphère qui caractérise un lieu unique, habité, vécu, radicalement opposé à l'”espace homogène des biens de consommation”. Une paix qui s’enracine dans un milieu favorable aux activités de subsistance et d'échange non marchande, des lieux communs : les communaux.
Mais aussi pour l’Illich pèlerin des dernières années, dans la conversation autour d'une table qui engendre sa propre aura, sa propre atmosphère. La paix comme un soin attentif de l'esprit d’une communauté dans sa propre spécificité.
11 - Sortir de l'assujettissement systémique et du show : surveiller son regard, recouvrer une ascèse.
Lorsque réalité, image et show se confondent, pour « survivre au milieu du « show »[66] Illich souhaite retrouver « les techniques d'une askêsis oculaire » liée non seulement à « l'acuité, mais aussi la qualité morale du regard »[67].
Nous invoquons ici le passé afin de vérifier la confiance dans la chair de nos sens. Les auteurs qui ont dernièrement traité de la prétendue inévitabilité des médias nous ont donné des raisons de réfléchir sur la possibilité et la nécessité d'une askêsis (discipline) du regard. [68]
C'est Lévinas qu’Illich cite pour retrouver les fondements de cette askêsis lorsqu’il fait du regard mutuel de deux personnes la source de l'existence personnelle.
Ma subjectivité est au coeur de ce que je touche et trouve dans le visage de l'autre: « je » ne saurait être, si ce n'est comme un don dans le visage de l'autre et du visage de l'autre.[69]
Pleinement conscient de l'empiètement de la logique des systèmes sur la vie des hommes, Illich prône l’extension de cette vertu d'ascèse (askêsis) « une sobria ebrietas, la juste mesure du plaisir , la fuite délibérée de la consommation quand elle prend la place de l’action conviviale »[70], « la reconquête disciplinée de la pratique sensuelle dans une société de mirages technogènes »[71] à tous les domaines de la vie humaine.
Une ascèse sur laquelle fonder l'amitié (philia), cette « amitié austère qui nourrit toute quête éclairée de la vérité »[72], la relation entre ascèse et amitié étant pour Illich, vers la fin de sa vie, à la base de l'action pour un avenir convivial.
[...] je plaide pour une renaissance des pratiques ascétiques pour maintenir vivants nos sens, dans les terres dévastées par le “show”, au milieu des informations écrasantes, des conseils à perpétuité, du diagnostic intensif, de la gestion thérapeutique, de l'invasion des conseillers, des soins terminaux, de la vitesse qui coupe le souffle.[73]
Aujourd'hui plus que jamais la naissance d'une quête éclairée de la vérité est nourrie par une amitié austère plutôt que par des systèmes.[74]
Conclusion
Dans son ouvrage « La fin du développement. Naissance d'une alternative ? »[75]François Partant reconnaît à Illich son « utile réflexion sur l'autonomie individuelle » et la possibilité de « concevoir une autre organisation politique, économique et sociale, grâce à laquelle les individus n'auraient plus à attendre du pouvoir ce qu'ils peuvent faire par eux-mêmes »[76]. Partant se demande :
« Un autre mode de production est-il concevable?... il faudrait que s'établissent d'autres rapports sociaux et d’autres rapports entre sociétés.[...] Produire autrement d'autres valeurs d'usage, dans un monde éclaté où chaque société redéfinit ses besoins en fonction de son milieu et de sa culture propres, c'est là aujourd'hui une simple vue de l'esprit. Mais cela peut aussi apparaître, demain, comme la seule politique de ‘sortie de crise’ ».[77]
En historien qu'il était, Illich nous rappelle constamment que, malgré les messages qui soutiennent l'inéluctabilité des processus systémiques, tout ce qui a eu un commencement peut effectivement avoir une fin.
De la construction d'un avenir convivial et éthique par l’inversement des institutions et le recouvrement des communaux dans un sens étendu, jusqu`à la quête de la vérité dans un cadre d’amitié austère où vivre la surprise de l'expérience du visage et de la chair de l'Autre, un éventail de gestes et d'attitudes d'espérance d'une richesse inouïe se déploie dans les textes d'Illich, prêts à nourrir la « naissance d'une alternative » à l'industrialisme hégémonique à l'ère des systèmes.
Barcelone, juillet 2011.
Notes
[1] C'est à dire la séparation conceptuelle entre la main et le marteau, qui dans la tradition grecque étaient une même chose: organon. Voir Illich,I. et Cayley, D. La corruption du meilleur engendre le pire. Arles, Actes Sud, 2007( p. 272)
[2] Illich, I. La corruption du meilleur engendre le pire (Op. cit. p.214 ).
[3] Dans son petit manifeste Peut-on sortir de la folle concurrence? Ingmar Granstedt (2006) décrit le piège de la recherche de la productivité à tout prix et de la compétitivité globale "brutale et sans fin"; la "violence blanche" de l'économie concurrentielle qui constitue par sa propre essence une dynamique non maîtrisable qui tend à envahir la totalité du cadre de la vie sociale. Peut-on sortir de la folle concurrence? Manifeste à l'intention de ceux qui en ont assez!, Paris, La Ligne d'Horizon ed., 2006.
[4] Pour approfondir dans le concept de vernaculaire lire notamment Illich, I. (1983) Le Genre vernaculaire. Dans Oeuvres Complètes, Volume II, Paris, Fayard, 2005.
[5] Illich, I. (1988) L'histoire des besoins. Dans La perte des sens, Paris : Fayard, 2004 (p. 77).
[6] Illich, I. (1973) Energie et équité. Dans Oeuvres Complètes, Volume I, Paris, Fayard, 2005 (p.410).
[7] Produit National Brut, le barème de mesure de la richesse d'une nation dans le système hégémonique.
[8] Hobbes, T. (1651). Léviathan. ODI http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.hot.lev
[9] Voir Rahnema, M. Quand la misère chasse la pauvreté, Paris, Fayard/ Arles, Actes Sud, 2003 (réédité en poche)
[10] Illich, I. Le silence fait partie des communaux. Dans Oeuvres Complètes Volume II (Op.cit. p.754)
[11] Pour Illich un avatar du christianisme, cette corruptio optima quae est pessima autour de laquelle tourne son dernier livre The Rivers North of the Future (traduction française Illich,I. et Cayley, D. La corruption du meilleur engendre le pire. Arles, Actes Sud, 2007). Dans La perte des sens (op. cit. p.10) Illich s'écrie : « ...comment pourrai-je reconnaître [ ..] puis accepter que[...]plus de la moitié de la production économique totale classée dans la catégorie des ‘services’ doive son existence à l’idée que les actes de miséricorde chrétienne peuvent être ‘produits’ »?
[12] Le concept de seuil dans sa double acception physique et symbolique est très apprécié d'Illich. Le seuil est le lieu du partage des eaux et le haut-lieu de l'hospitalité.
[13] Voir mon article Peut-on sortir de la boulimie normative? publié dans le Bulletin de La ligne d'horizon Nº 41. Dans le contexte de l'industrialisme et au-delà d'un deuxième seuil, la norme serait contreproductive puisque devenue une fin en elle-même, et contreproductive à un deuxième degré du moment qu'elle contraint à l'utilisation des institutions contreproductives (p.ex. les transports).
[14] Illich, I.(1971) Libérer l'avenir. Dans Oeuvres Complètes. Volume I. (Op.cit. pp.175-176)
[15] Le mot est de Jean Robert.
[16] Illich, I. (1994) La sagesse de Leopold Kohr. Dans La perte des sens (Op.cit. p. 235)
[17] Le mot est de Silvia Pérez-Vitoria (communication personnelle).
[18] Qu'Illich prend de Uwe Pörksen. PÖRKSEN, U. Plastic worlds. The Tyrannie of a Modular Language. The Pennsilvania State University Press (1995). Notamment ces mots passe-partout qui font partie du langage de la correction politique.
[19] “Si l'homme n'est pas dans sa parole c'est du bruit” (Ellul , J. dans Jacques Ellul, l'homme entier - film de Serge Steyer).
[20] Illich, I. (1994) La sagesse de Leopold Kohr. Dans La Perte des Sens (Op.cit. p. 255)
[21] Illich, I. La Perte des Sens (Op. cit. p. 73)
[22] Illich, I. (1971) Libérer l'avenir. Dans Oeuvres Complètes. Volume II. (Op. cit. p. 92)
[23] de Ravignan, F. Préface à Partant, F. (1982) La fin du développement. Naissance d'une alternative? Arles, Actes Sud, 1997 (réédition) (p.9)
[24] Déesse, dite aussi Adrastée, chargée de punir les outrages, les violences, l'orgueil, les crimes des mortels. Pour approfondir dans le concept lire Illich, I.(1975) Némésis Médicale Dans Oeuvres Complètes. Volume I. (Op. cit.).
[25] Garrigós, A. L'éthique du challenge. Dans Hoinacki, L.et Mitcham, C. Ed. The Challenges of Ivan Illich. State University of New York Press, 2002 (p.122)
[26] Illich, I. (1994) La sagesse de Leopold Kohr. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 237)
[27] Dans son hommage à « Maître Jacques » Illich reprend la notion ellulienne de “parole humiliée”.
[28] Illich, I. (1993) Hommage d'Ivan Illich à Jacques Ellul. Dans La perte des sens. (Op.cit. pp. 159-160)
[29] Illich, I. Le partage des eaux. Dans La corruption du meilleur engendre le pire. (Op. cit. p. 299)
[30] Illich, I. (1984) L'art d'habiter. Dans Dans le miroir du passé (Oeuvres Complètes Volume II (Op.cit. p.764)
[31] Voir Illich, I.(1998) La culture de la conspiration. Dans La perte des sens (Op. cit.)
[32] Voir Illich, I. (1980) Pour un découplage de la paix et du développement. Dans Dans le miroir du passé . Oeuvres Complètes Volume II (Op.cit.)
[33] Illich, I. (1993) Surveiller son regard à l'âge du “show”. Dans La perte des sens. (Op. cit. pp.230-231)
[34] Illich, I. (1993) Surveiller son regard à l'âge du “show”. Dans La perte des sens. (Op. cit. p.187)
[35] Voir Anders, G. (1956) L'Obsolescence de l'Homme. Sur l'âme à l'époque de la deuxième révolution industrielle, Paris, Encyclopédie des nuisances-Ivréa, 2002.
[36] Etudiée par Daniel Cérézuelle et le Pades (http://www.padesautoproduction.net/)
[37] Illich, I. (1971) Une société sans école. Dans Oeuvres Complètes. Volume I (Op.cit. p. 287)
[38] Voir l'introduction de David Cayley dans Illich I. et Cayley D. La corruption du meilleur engendre le pire. (Op.cit. p. 68). Comme prêtre chrétien Illich consacra une bonne part de ses efforts à persuader l'Église dans les années 1960 que « recourir aux Evangiles pour conforter un système social ou politique est un blasphème » (p.29). La croix, pour Illich symbolise la renonciation au pouvoir. (p.30) La vie et la mort du Christ représentent le suprême refus de jouer l'éternelle surenchère dans la puissance.
[39] Robert, J. D'ici et là, d'un poodle et du sens de la proportion en architecture. Disponible sur www.pudel.uni-bremen.de/pdf/ANAGOGIA.pdf
[40] Analogies de proportionnalité de la scolastique tardive.
[41] Illich, I. (1983) Le Genre vernaculaire. Dans Oeuvres Complètes. Volume II. (Op.cit. p. 355) Et si c'est ainsi, citant François Partant, “Que la crise s'aggrave!”
[42] Illich, I. Némésis médicale. (Op. cit. p. 675)
[43] Ib. p. 680
[44] Dans La Fin du Développement, François Partant parle de instaurer d'autres rapports sociaux et internationaux, faute de quoi l'humanité demeurera déchirée avec des moyens techniques d'une croissante efficacité pour s'autodétruire. (Op.cit. p. 14 )
[45] Illich, I. (1978) La langue maternelle enseignée. Dans Dans le miroir du passé. (Op. cit. p. 832)
[46] Illich I.(1973) La convivialité. Ed. du Seuil, 2003 (réed.) (p. 38)
[47] Ib. p.31
[48] Illich, I. Oeuvres Complètes. Volume I (p.377)
[49] Illich, I. (1971) Une société sans école. (Op.cit. pp. 311-315).
[50] Ib. (p. 287).
[51] Ib. (p. 298). Ib. ( p.307).
[52] Ib. ( p.307).
[53] Ib. (p.326)
[54] Partant, F. (1982) La fin du développement. Naissance d'une alternative? (Op. cit. p. 223)
[55] Illich, I. (1988) L’histoire des besoins. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 73-74)
[56] Illich, I. (1994) La sagesse de Leopold Kohr. Dans La perte des Sens (Op. cit. p.244)
[57] Ib. (p.237)
[58] Voir le mythe des titans Prométhée et Epiméthée dans Protagoras (320c-322c) L'homme nu et dans Hésiode, La théogonie (535-615) et Les travaux et les jours (45-105) .
[59] Garrigós, A. dans Hoinacki, L.et Mitcham, C. Ed. The Challenges of Ivan Illich. (Op. cit.)
[60] Illich, I. (1971) Une société sans école. (Op.cit. pp. 347-348)
[61] Illich, I. (1988) H2O, les eaux de l'oubli.Dans Oeuvres Complètes. Volume II. (Op. cit. p. 471)
[62] En cela, mes chers amis de La ligne d'horizon, Ivan Illich et François Partant se rejoignent.
[63] Illich, I. (1971) Libérer l'avenir. Dans Oeuvres Complètes. Volume II (Op. cit. p. 93)
[64] Voir Illich, I. (1980) Pour un découplage de la paix et du développement. Dans Dans le miroir du passé . Oeuvres Complètes Volume II (Op.cit. pp.711-723)
[65] Illich, I. (1998). La culture de la conspiration. Dans La perte des sens. (Op. cit. p. 348)
[66] Illich, I. (1993) Surveiller son regard à l'âge du « show ». Dans La perte des sens. (Op. cit. p. 191)
[67] Ib. p. 195)
[68] Illich, I. (1995) Passé scopique et ethique du regard. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 288)
[69] Ib. (p.322-23 ?)
[70] Illich, I. (1994) Soins médicaux pour systèmes immunitaires. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 266).
[71] Illich, I.(1993) Hommage d'Ivan Illich à Jacques Ellul. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 162).
[72] Ib.
[73] Illich, I. (1994) La perte des sens. (Op. cit. p.7)
[74] Illich, I. (1998) La culture de la conspiration. Dans La perte des sens (Op. cit. p.343)
[75] Partant, F. (1982) La fin du développement. Naissance d'une alternative ? (Op. cit.)
[76] Ib. (p.46)
[77] Ib. (p.159-160)
